Une dame âgée passée au studio quelques jours plus tôt pour une photo d’identité revient en me portant une photo d’elle enfant.
Elle tient la photographie comme une relique, on voit qu’elle y tient énormément.
La photographie est de petite taille, 4 cm sur 6 (à peu près), et comme vous pouvez le voir sur le visuel, très abimée…
Il manque une partie de la photo, un pli est venu arracher de la matière en plein milieu de la photo, les zones sombres sont très abîmées…
Pas de champignons mais ça sent la photo mal stockée dans un porte feuille. La cliente aimerait, si c’est possible, que l’on puisse en faire un agrandissement. Dans ce cas là je ne promets jamais que ce sera possible. il faut d’abord scanner la photographie en haute résolution et estimer la qualité et la finesse du tirage avant de se prononcer. Cela dit j’ai bon espoir car dans ces années là (nous sommes dans le début des années 30) on utilise encore du matériel de qualité qui assurait des définitions de bonne tenue.
Une fois le scan terminé je m’attarde sur chacune des zones de la photographie pour évaluer le travail de nettoyage à réaliser. La photo ayant été très mal stockée les dégâts sont assez conséquents comme vous pouvez le constater ci dessous… Il va y avoir un gros travail de récupération et de dépoussiérage.
Avant d’effectuer le dépoussiérage je m’occupe au préalable des plus gros dégâts. Cela ne servirait à rien de passer du temps sur le nettoyage s’il n’était pas possible de refaire les zones déchirées ou manquantes. Et comme vous le verrez ce n’est pas ce qui manque ! (hélas)
L’important lorsqu’on refait des parties manquantes est de ne pas donner l’impression d’avoir fait du copier coller de zones intactes vers les zones manquantes.
Il convient donc d’aller piocher de la matière dans des zones différentes et de les appliquer de manière à les mélanger pour créer un nouvel apport de matière.
Certains outils de photoshop permettent de recréer de la matière assez facilement. Depuis quelques temps les ingénieurs de chez Adobe ont donné de l’intelligence à leur logiciel. Il est désormais capable, sur de petites zones, de recréer de la matière à partir des zones adjacentes. C’est un gain de temps appréciable pour refaire les petites zones abimées. Par contre l’outil n’est pas encore assez intelligent pour remplir les gros manques.
Pour cela on va donc utiliser l’outil de clonage en mixant les zones clonées ainsi que les opacités utilisées pour réaliser les mélanges. l’opération est délicate car le rendu doit être naturel. Il faut ne faut parfois pas hésiter à utiliser la séparation de fréquence afin de travailler d’une façon indépendante sur les tons, les lumières et les contrastes, et sur les détails.
Vous pouvez voir sur le visuel à droite de ce texte une restauration des zones manquantes en cours de réalisation. Il faut travailler zone par zone et prendre de temps en temps un peu de recul afin de vérifier l’homogénéité de la restauration.
Une fois toutes les zones manquantes restaurées je vais m’attaquer au nettoyage de la photographie. C’est, à mon sens, la partie la plus fastidieuse de la restauration. Lorsque je scanne la photo je désactive le filtre anti poussière de mon logiciel afin d’être certain de ne perdre AUCUN détail.
Chaque micro contraste peut avoir son importance, surtout dans le détail des tissus ou des visages, je ne prends donc pas le risque d’en atténuer certains sous prétexte d’effectuer un pré nettoyage de la photo. Revers de la médaille, ça va m’obliger à passer plus de temps sur l’effacement des taches de moisissures ou sur l’atténuation des micro fissures. Mais c’est le prix à payer pour conserver le piqué nécessaire à l’agrandissement futur de la photographie une fois remise en état.
Et voilà, il n’y a plus qu’à refaire la marge autour de la photographie et la restauration est terminée.
Il m’aura fallu un peu plus de deux heures pour redonner un petit coup de jeunesse à cette photographie, et générer beaucoup d’émotions à sa propriétaire lors de la restitution… Comme d’habitude lorsqu’une personne vous demande de restaurer une photographie c’est parce qu’elle y tient énormément, elles sont porteuses d’une très forte charge émotionnelle et les restitutions génèrent souvent des larmes d’émotion. J’adore mon métier !!!